La Lettre du GTE
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Sommaire Lettre N°3 - Janvier 2012
   

[ÉDITORIAL] Bientôt 10 ans !
Vincent Rohmer

[L'IMAGE COMMENTÉE]
Prise en charge d'un phéochromocytome révélé par une insuffisance cardiaque aiguë - B. Carnaille, G. Muller, E. Mirallié et l'Association francophone de chirurgie endocrinienne

[ÉCHOS DES CONGRÈS]
Congrès national des tumeurs neuroendocrines
(1er-2 décembre 2011, Paris) :
Recommandations et actualisation du thesaurus national - Philippe Ruszniewski

Utilisation, gestion et suivi des thérapies ciblées dans les tumeurs endocrines digestives - Catherine Lombard-Bohas
Régulateurs de l'épigénome et marqueurs pronostiques des tumeurs endocrines pancréatiques sporadiques non fonctionnelles - Frédérique Savagner

[EN BREF]
Fonds de recherche 2011 du Groupe d'étude des tumeurs endocrines (GTE)

   
Éditorial

Bientôt 10 ans !
Vincent Rohmer (ancien président du GTE)

Depuis sa création en 2002, le GTE n'a cessé de grandir. Il a d'abord su fédérer toutes les spécialités médicales, biologiques et chirurgicales intéressées par la prise en charge des patients atteints de tumeurs neuroendocrines (TNE). Il a généré d'excellentes réunions scientifiques, un fichier de plus de 7 000 dossiers disponibles pour des travaux de recherche clinique publiés dans les revues internationales ; il a permis de susciter des protocoles diagnostiques et thérapeutiques divers.

Il a donné naissance au réseau de soins RENATEN (Réseau de référence clinique pour les tumeurs endocrines malignes sporadiques et héréditaires) en 2007, permettant de structurer dans 17 centres français uniques ou multisites des réunions de concertation pluridisciplinaires (200 dossiers en moyenne par région et par an sont discutés). Il a favorisé l'émergence du réseau oncogénétique des laboratoires spécialisés dans la détection des anomalies génétiques de certaines TNE. Ce réseau, en collaboration avec le GTE, va mettre en ligne dans les prochains jours plusieurs arbres décisionnels de démarche diagnostique oncogénétique : maladies hypophysaires, tumeurs endocrines digestives, hyperparathyroïdie, carcinome médullaire de la thyroïde, phéochromocytome, toutes maladies susceptibles d'être familiales.

Le site sfendocrino.org, onglet GTE, s'enrichit petit à petit d'indications concernant la vie du groupe, ses structures, les consensus et les recommandations, les démarches diagnostiques et les liens entre les sociétés savantes impliquées dans le GTE.

Enfin, le GTE participe au soutien des associations de patients atteints de TNE et souhaite développer cette interaction indispensable entre malades et soignants afin de promouvoir des mesures diagnostiques et thérapeutiques innovantes, souvent déjà initiées dans d'autres pays européens. Le GTE, après bientôt 10 ans de vie, a trouvé sa place au milieu des spécialités diverses le composant.

L'image commentée

Prise en charge d'un phéochromocytome révélé par une insuffisance cardiaque aiguë
B. Carnaille (service de chirurgie endocrinienne, CHU de Lille) ; G. Muller, E. Mirallié (service de chirurgie générale, CHU de Nantes) et l'Association francophone de chirurgie endocrinienne (AFCE)

Mademoiselle C., âgée de 20 ans, a bénéficié le 26 octobre 2009 d'une surrénalectomie droite par voie cœlioscopique pour un phéochromocytome révélé 4 mois auparavant par une insuffisance cardiaque aiguë ayant nécessité une assistance circulatoire (Extracorporeal Membrane Oxygenation [ECMO]). Elle était suivie depuis l'enfance pour une neurofibromatose familiale de type 1 avec plusieurs neurofibromes opérés. La recherche d'un phéochromocytome s'était avérée négative en 2007 au cours de l'exploration d'une hypertension artérielle (HTA) apparue 1 an auparavant et rattachée à une hypoplasie aortique avec sténose des 2 artères rénales. Le traitement antihypertenseur a progressivement été majoré. Le 30 juin 2009, la patiente a été hospitalisée dans un CHG en raison de douleurs basithoraciques droites avec vomissements et détresse respiratoire, alors que l'état hémodynamique était stable. Les taux de troponines et de D-dimères étaient élevés. L'échographie estimait la fraction d'éjection (FE) à 15 %. Un angioscanner thoracique ne mettait pas en évidence d'embolie pulmonaire mais une masse du pôle supérieur du rein droit mesurant 40 mm (figure 1) et prenant le contraste de manière hétérogène. L'état hémodynamique s'est rapidement aggravé avec une FE effondrée à 5 % et une akinésie globale, imposant un traitement par dobutamine. La patiente a été transférée en unité de soins intensifs cardiologiques (USIC), puis en réanimation chirurgicale cardiovasculaire au CHU pour choc cardiogénique réfractaire avec FE à 10-15 % à l'entrée. Une assistance circulatoire par ECMO a été mise en place le 1er juillet avec HTA à la sortie du bloc. Le terrain, l'évolution et la notion de tumeur suprarénale droite au scanner faisaient évoquer le diagnostic de myocardite adrénergique liée à une décharge catécholaminique par nécrose d'un phéochromocytome droit. L'indication de surrénalectomie droite en urgence n'a pas été retenue au profit de la poursuite du traitement médical par Loxen® et par hémisuccinate d'hydrocortisone (400 mg/j IVD [insuffisance ventriculaire droite]) en milieu chirurgical. L'évolution a été rapidement favorable sur le plan hémodynamique. Le sevrage de l'ECMO a été réalisé le 6 juillet et la patiente extubée le 9 juillet. La FE était à 65 % le 13 juillet. L'élévation du taux de catécholamines et de métoxydérivés du 10 juillet était d'interprétation difficile dans le contexte de réanimation.

Les explorations endocriniennes réalisées secondairement ont confirmé le diagnostic de phéochromocytome unique, isolé, intrasurrénalien droit, sécrétant préférentiellement de la noradrénaline et captant électivement le méta-iodo-benzyl-guanidine (MIBG). Le 5 octobre, la patiente était en parfait état général, normotendue, avec une trithérapie incluant un antagoniste du calcium. L'IRM comparative montrait que la composante hématique avait largement régressé. Si bien que le diamètre de 40 mm au moment de l'accident hémorragique était passé à 28 mm (figure 2), ce qui correspondait à une image méconnue sur angiographie par résonance magnétique (ARM) réalisée en février 2008 pour la sténose des artères rénales.

L'ablation du phéochromocytome a été pratiquée le 26 octobre sous la forme d'une surrénalectomie droite par voie cœlioscopique transpéritonéale. L'intervention, encadrée par les antagonistes du calcium, n'a pas posé de problème technique ni hémodynamique. Les suites opératoires ont été simples et la sortie autorisée au 3e jour postopératoire. L'HTA restait mal contrôlée en raison de l'hypoplasie aortorénale traitée en juin 2010 par pontage aortobirénal prothétique.

Trente-huit cas de phéochromocytome révélé par une défaillance cardiaque aiguë ont été colligés dans la littérature (1). La plupart des séries rapportent 1 cas (2-5), voire 2 (6) ou 3 (7). Le moment de la surrénalectomie reste controversé : en urgence (2, 5) ou retardé (4, 6).

Une réponse est fournie dans l'étude menée par l'équipe du Pr Mirallié de Nantes auprès des membres de l'AFCE. Il a colligé 12 cas de phéochromocytome opérés chez des patients ayant eu soit une FE inférieure à 30 %, soit un recours à une assistance circulatoire préopératoire. Il s'agissait de 9 femmes et de 3 hommes ayant un âge médian de 38 ans. La surrénalectomie a été pratiquée en urgence dans 4 cas, toujours par laparotomie, dont 3 avec assistance circulatoire postopératoire pendant 2 à 10 jours. Les suites ont été marquées par 1 décès, 3 hémorragies dont 1 réintervention et 1 ischémie intestinale. Les 8 autres patients ont été opérés "à froid", 7 à 180 jours après l'épisode aigu. Cinq ont eu une assistance circulatoire pendant 3 à 10 jours ; 6 ont été opérés par laparoscopie. Il n'y a eu ni décès ni complication dans ce groupe. Il apparaît que la surrénalectomie à froid présente des avantages par rapport à l'intervention en urgence chez des patients fragiles.

Cette attitude pose 2 problèmes :
1. faire passer le cap aigu par un traitement médical ;
2. faire le diagnostic de phéochromocytome qui impose un traitement spécifique.

Devant une insuffisance cardiaque aiguë ("takotsubo"), il faut penser au diagnostic de phéochromocytome devant les antécédents, une HTA, une élévation des enzymes cardiaques sans anomalie à la coronarographie, la résistance aux drogues inotropes et la sensibilité à l'assistance circulatoire (diagnostic différentiel = myocardite virale).

Le mécanisme est une atonie musculaire cardiaque par inondation catécholaminique secondaire à une nécrose ou une hémorragie d'un phéochromocytome préexistant, provoquant une saturation des récepteurs cardiaques et une asystolie avec inefficacité du traitement médical habituel. Le traitement spécifique associe du Loxen® et des corticoïdes pour lutter contre l'HTA et externaliser des récepteurs catécholaminiques. Comme en témoigne notre observation, la prise en charge nécessite une parfaite collaboration entre les chirurgiens endocriniens, les anesthésistes et les réanimateurs cardiaques pour mettre en route un traitement inhabituel mais spécifique de la cause de cette défaillance cardiaque aiguë.
L'efficacité de ce traitement est alors spectaculaire, avec réapparition rapide d'une FE satisfaisante et poursuite d'un traitement médical habituel du phéochromocytome. Celui-ci sera réséqué dans un second temps, lorsque l'hématome intratumoral sera résorbé, ainsi que les phénomènes inflammatoires périlésionnels. La diminution de sa taille rend la tumeur accessible à une exérèse par voie cœlioscopique comme un phéochromocytome banal.

Les modalités de prise en charge de cette pathologie rare doivent être connues de tous les praticiens prenant en charge des phéochromocytomes aussi bien que l'insuffisance cardiaque aiguë.

B. Carnaille remercie les Prs et Drs Mounier-Vehier, Asseman, Vincentelli, De Mendonca et Cardot pour leur participation à la prise en charge de la patiente.

Scanner du 30 juin 2009 : masse surrénalienne hétérogène mesurant 40 mm de plus grand axe.
Figure 1. Scanner du 30 juin 2009 : masse surrénalienne hétérogène mesurant 40 mm de plus grand axe.

IRM du 5 octobre 2009 : phéochromocytome droit de 28 mm de diamètre.
Figure 2. IRM du 5 octobre 2009 : phéochromocytome droit de 28 mm de diamètre.

Références bibliographiques

1. Agarwal V, Kant G, Hans N, Messerli FH. Takotsubo-like cardiomyopathy in pheochromocytoma. Int J Cardiol 2011;153:241-8.
2. Salinas CL, Gómez Beltran OD, Sánchez-Hidalgo JM, Bru RC, Padillo FJ, Rufián S. Emergency adrenalectomy due to acute heart failure secondary to complicated pheochromocytoma: a case report. World J Surg Oncol 2011;9:49.
3. Suh IW, Lee CW, Kim YH et al. Catastrophic catecholamine-induced cardiomyopathy mimicking acute myocardial infarction, rescued by extracorporeal membrane oxygenation (ECMO) in pheochromocytoma. J Korean Med Sci 2008;23:350-4.
4. Steppan J, Shields J, Lebron R. Pheochromocytoma presenting as acute heart failure leading to cardiogenic shock and multiorgan failure. Case Report Med 2011;596354 [Epub 2011 May 10].
5. Bos JC, Toorians AW, van Mourik JC, van Schijndel RJ. Emergency resection of an extra-adrenal phaeochromocytoma: wrong or right? A case report and a review of literature. Neth J Med 2003;61:258-65.
6. Wu XM, Chen JJ, Wu CK, Lin LY, Tseng CD. Pheochromocytoma presenting as acute myocarditis with cardiogenic shock in two cases. Intern Med 2008;47:2151-5.
7. Huang JH, Huang SC, Chou NK, Ko WJ, Chen YS, Wang SS. Extracorporeal membrane oxygenation rescue for cardiopulmonary collapse secondary to pheochromocytoma: report of three cases. Intensive Care Med 2008;34:1551-2.

Echos des congrès

Congrès national des tumeurs neuroendocrines (1er-2 décembre 2011, Paris)

Recommandations et actualisation du thesaurus national
Philippe Ruszniewski (Paris)

diaporama
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Ce diaporama résume les recommandations pour la prise en charge des tumeurs endocrines. Il s'agit pour le moment du document le plus actualisé de la littérature. Il est disponible dans sa version complète sur http://www.snfge.com/data/ModuleDocument/publication/5/pdf/TNCD-chapitre-11.pdf

Lexique : REF : Référence ; OPT : optionnel ; EC essai clinique

 

Utilisation, gestion et suivi des thérapies ciblées dans les tumeurs endocrines digestives
Catherine Lombard-Bohas (Lyon)

diaporama
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Ce diaporama présente les modalités pratiques de prescription, de surveillance et de prise en charge des effets indésirables de l'évérolimus et du sunitinib.

 

Régulateurs de l'épigénome et marqueurs pronostiques des tumeurs endocrines pancréatiques sporadiques non fonctionnelles
Frédérique Savagner (Angers)

L'épigénétique est un processus de découverte récente qui implique la régulation de l'expression des gènes sans en modifier leur séquence. Cette régulation est liée à la dynamique de la chromatine assurée par 2 mécanismes principaux : la méthylation des cytosines et la modification des histones (H2A, H2B, H3 et H4). Ces mécanismes assurent la dynamique de la chromatine, notamment par la méthylation et l'acétylation des histones. La méthylation des résidus lysine (K) en position 4 et 27 de l'histone H3 est assurée notamment par un complexe protéique incluant la ménine et peut conduire soit à l'activation (méthylation de K4), soit à la répression (méthylation de K27) de l'expression génique (1, 2). Des variants d'histones peuvent se concentrer au niveau de régions spécifiques de la chromatine, comme les télomères, riches en histone H3.3. Dans ce cas, des facteurs d'échange comme le complexe DAXX-ATRX assurent spécifiquement l'échange de l'histone H3 par le variant H3.3 (3). L'implication de la ménine (gène MEN1) et du complexe ATRX-DAXX dans le développement des tumeurs endocrines du pancréas souligne l'importance du mécanisme épigénétique dans la tumorigenèse pancréatique (4). Dans cette étude présentée par une équipe du Johns Hopkins Medicine Center de Baltimore, le séquençage d'exome a permis d'identifier les gènes candidats au développement des tumeurs sporadiques non fonctionnelles. Des mutations dans les gènes MEN1, DAXX et ATRX ont été retrouvées dans plus de 40 % des 68 tumeurs pancréatiques explorées. Dans tous les cas, ce sont des mutations perte-de-fonction qui sont exclusives pour ATRX et DAXX, alors que 16 tumeurs sur 68 (23 %) présentaient des mutations combinées ATRX ou DAXX et MEN1. De façon tout à fait surprenante, les auteurs montrent que les mutations dans les gènes ATRX/DAXX ou ATRX/DAXX combinées aux mutations de MEN1 sont associées à une survie globale à 10 ans de 80 et 100 % respectivement, pour les patients présentant des métastases hépatiques, alors que la survie des patients est de 40 % à 5 ans en l'absence de mutation dans ces gènes. Ces mutations, correspondant à la perte totale de l'expression nucléaire des protéines DAXX et ATRX, sont associées à l'instabilité et au raccourcissement des télomères dans ces tumeurs (5).

Ces résultats permettent d'envisager la prise en charge de ces tumeurs dont le diagnostic était jusqu'alors très difficile, avec un marqueur pronostique immuno-histochimique : un marquage nucléaire positif pour DAXX ou ATRX correspond à des tumeurs sporadiques de mauvais pronostic nécessitant une prise en charge thérapeutique rapide. Ces résultats, qui impliquent en première ligne les acteurs de la "machinerie" épigénétique comme marqueurs pronostiques de certaines tumeurs, soulignent l'importance de ce mécanisme dans la tumorigenèse neuroendocrine et son potentiel thérapeutique.

Références bibliographiques

1. Baylin SB, Jones PA. A decade of exploring the cancer epigenome - biological and translational implications. Nat Rev Cancer 2011;11:726-34.
2. Wu T, Hua X. Menin represses tumorigenesis via repressing cell proliferation. Am J Cancer Res 2011;1:726-39.
3. Szenker E, Ray-Gallet D, Almouzni G. The double face of the histone variant H3. Cell Res 2011;21:421-34.
4. Jiao Y, Shi C, Edil BH et al. DAXX/ATRX, MEN1, and mTOR pathway genes are frequently altered in pancreatic neuroendocrine tumors. Science 2011;331:1199-203.
5. Heaphy CM, de Wilde RF, Jiao Y et al. Altered telomeres in tumors with ATRX and DAXX mutations. Science 2011;333:425.

En bref

Fonds de recherche 2011 du Groupe d'étude des tumeurs endocrines (GTE)

LAURÉATS 2011

Frédérique Savagner

Frédérique Savagner (Angers) : 18 000 euros
Régulation épigénétique du métabolisme mitochondrial des tumeurs neuroendocrines

 

 

Frédérique Savagner
Samia Ruby (Lyon) : 20 000 euros

La néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1) prédispose-t-elle au développement des tumeurs de la thyroïde ?

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