La Lettre du GTE
Sommaire Lettre N°1 - Juillet 2011
   

[L'IMAGE COMMENTÉE] Métastase unique hépatique d'un cancer médullaire de la thyroïde
Dr Régis Cohen

[L'ACTUALITÉ COMMENTÉE]
Thérapies ciblées et tumeurs neuroendocrines du pancréas : enfin une avancée ! - Pr Guillaume Cadiot
Facteurs pronostiques de la thyroïdectomie précoce - Pr Françoise Borson-Chazot

[MISE AU POINT SUR...] Principales caractéristiques des 5 160 patients inclus dans le fichier du GTE -
Pr Françoise Borson-Chazot, Pr Emmanuel Mitry

[LES PROCHAINS CONGRÈS]
• Symposium international sur les phéochromocytomes et paragangliomes du 14 au 17 septembre 2011 à Paris
• Congrès National des Tumeurs Neuroendocrines, les 1 et 2 décembre 2011 à Paris

   
L'image commentée

Métastase unique hépatique d'un cancer médullaire de la thyroïde
Dr Régis Cohen (Bobigny)

Métastase unique hépatique d'un cancer médullaire de la thyroïdeUne patiente, âgée de 44 ans, est atteinte d'un cancer médullaire de la thyroïde non familial et non guéri qui avait récidivé sous la forme d'une élévation de la calcitonine 11 ans après sa thyroïdectomie totale réalisée en 1994.
En 2003, sa calcitonine, 5 minutes après un test à la pentagastrine est de 46 ng/l. Une surveillance annuelle de ce taux est réalisée jusqu'en mars 2010, où la calcitonine de base s'élève à 111 ng/l.
L'échographie cervicale montre, en 2010, des adénopathies déjà observées plates non vascularisées, non inquiétantes. Un PET scan utilisant la fluoroDOPA réalisé le 31 mai 2010 montre de façon inattendue un foyer d'hyperfixation hépatique suspect en regard du segment VI, sans autre fixation suspecte, notamment cervicale (figure 1). L'IRM abdominale retrouve un nodule de 7 mm du segment VI en hypersignal modéré T2, en hyposignal T1 et avec un hypersignal en diffusion, qui prend le contraste précocement (figure 2). En revanche, l'échographie abdominale ne localise pas la lésion et aucune ponction de ce nodule n'a donc pu être réalisée pour en affirmer le diagnostic histologique. L'équipe strasbourgeoise de A. Imperiale (1) a rapporté une observation similaire de métastase unique hépatique avec une élévation relativement faible de la calcitonine (560 ng/l). Ces deux cas pourraient modifier nos connaissances sur l'histoire naturelle des métastases qui sont habituellement cervicales et ne surviennent à distance que pour des taux de calcitonine supérieurs à 250 voire 1 000 ng/l. La place de l'imagerie par PET scan au fluoroDOPA doit probablement être redéfinie dans ce contexte.

Référence bibliographique
1. Imperiale A, Greget M, Chabrier G et al. Solitary hepatic metastasis from medullary thyroid carcinoma mimicking atypical hemangioma: insights from multimodality diagnostic approach by MRI, F-18 FDG and F-18 FDOPA PET/CT. Clin Nucl Med 2010;35(6):434-7.

L'actualité commentée

Thérapies ciblées et tumeurs neuroendocrines du pancréas : enfin une avancée !
Pr Guillaume Cadiot (Reims)

Raymond E, Dahan L, Raoul JL et al. Sunitinib malate for the treatment of pancreatic neuroendocrine tumors.
N Engl J Med 2011;364(6):501-13. Yao JC, Shah MH, Ito T et al.; RAD001 in Advanced Neuroendocrine Tumors, Third Trial (RADIANT-3) Study Group. Everolimus for advanced pancreatic neuroendocrine tumors. N Engl J Med 2011;364(6):514-23.

Du fait de leur rareté, les progrès dans le domaine des tumeurs neuroendocrines (TNE) sont malheureusement lents. Par rapport aux TNE du grêle qui sont assez monomorphes, avec un faible taux de prolifération, les TNE du pancréas sont très hétérogènes sur le plan de l'aspect anatomopathologique et des facteurs histopronostiques, l'indice de prolifération et l'indice mitotique pouvant notamment être élevés. La chimiothérapie est le traitement de référence des carcinomes endocrines bien différenciés du pancréas. Cependant, l'efficacité est inconstante et il est donc nécessaire d'envisager d'autres voies thérapeutiques. Dans le même numéro du New England Journal of Medicine du 10 février dernier, ont paru 2 articles ayant évalué l'efficacité et la tolérance de 2 thérapies ciblées (évérolimus – qui est un anti-mTOR – à 10 mg/j et sunitinib – qui est un inhibiteur des tyrosines kinases – à 37,5 mg/j) dans le traitement des carcinomes endocrines bien différenciés du pancréas avancés progressifs. Il s'agissait d'essais internationaux de phase III contrôlés en double aveugle contre placebo. Ces 2 essais étaient méthodologiquement proches. Ils montrent, tous les 2, un doublement de la survie sans progression (critère primaire d'efficacité) : 11 mois (évérolimus) versus 4,6 mois (placebo) et 11,4 mois (sunitinib) versus 5,5 mois (placebo) [figures 1, 2]. Il y avait cependant peu de réponses tumorales objectives selon les critères Recist : 5 % pour l'évérolimus et 9,3 % pour le sunitinib, l'effet des thérapies ciblées se manifestant plus souvent par une stabilisation tumorale que par une réduction tumorale. Une augmentation de la survie globale a été observée avec le sunitinib mais pas avec l'évérolimus car le design de l'essai ne le permettait pas (cross-over). La toxicité et la tolérance étaient acceptables, même si les effets secondaires étaient la principale cause d'arrêt du traitement.
Enfin une avancée dans le domaine du traitement des carcinomes endocrines métastatiques ! En outre, les français sont à l'honneur : ils sont à l'origine de 1 des 2 études et comptent parmi les meilleurs recruteurs. Est-ce les conséquences de l'organisation de la prise en charge des tumeurs endocrines en France, avec la création du Groupe d'étude des tumeurs endocrines (GTE) puis du Réseau national de prise en charge des tumeurs (neuro-) endocrines malignes rares sporadiques et héréditaires (RENATEN), avec son réseau régional de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) spécifiques aux tumeurs endocrines ?
Le chapitre "tumeurs endocrines digestives" du Thésaurus national de cancérologie digestive (www.TNCD.org), dont la version corrigée a été mise en ligne fin janvier, a intégré les résultats de ces 2 études. Pour l'instant, la chimiothérapie reste le traitement de première intention des carcinomes endocrines pancréatiques métastatiques bien différenciés, notamment car elle permet d'obtenir des réponses tumorales objectives dans un nombre élevé de cas : 70 % dans la récente étude de phase II menée par l'équipe de J. R. Strosberg avec l'association capécitabine-témozolomide (1), environ 35 % avec l'association adriamycine-streptozotocine (2). Un point très important à rappeler est que la chirurgie est le meilleur moyen d'augmenter la survie des patients atteints d'un carcinome endocrine métastatique bien différencié. De plus, les progrès en chirurgie associés à ceux de la destruction tumorale par radiofréquence ont considérablement augmenté les possibilités de résécabilité, même en cas de métastases hépatiques bilatérales, et donc les indications chirurgicales (3, 4). Le groupe de travail du TNCD a ainsi jugé que commencer par une chimiothérapie était le meilleur moyen d'accroître les chances de résécabilité.
Comment utiliser les thérapies ciblées, qu'en attendre, peut-on les associer entre elles ou à d'autres traitements, peut-on les prescrire sur de très longues périodes, l'efficacité dépend-elle du degré de prolifération ? Voici quelques questions qui ne seront résolues que par les futurs essais thérapeutiques, notamment des essais stratégiques comparant la chimiothérapie et les thérapies ciblées en première ligne. En attendant, la meilleure façon de prendre en charge les patients est de respecter les recommandations du TNCD.

Références bibliographiques
1. Strosberg JR, Fine RL, Choi J et al. First-line chemotherapy with capecitabine and temozolomide in patients with metastatic pancreatic endocrine carcinomas. Cancer 2011;117(2):268-75.
2. Delaunoit T, Ducreux M, Boige V et al. The doxorubicin-streptozotocin combination for the treatment of advanced well-differentiated pancreatic endocrine carcinoma; a judicious option? Eur J Cancer 2004;40(4):515-20.
3. Kianmanesh R, Sauvanet A, Hentic O et al. Two-step surgery for synchronous bilobar liver metastases from digestive endocrine tumors: a safe approach for radical resection. Ann Surg 2008;247(4):659-65.
4. Elias D, Goéré D, Leroux G et al. Combined liver surgery and RFA for patients with gastroenteropancreatic endocrine tumors presenting with more than 15 metastases to the liver. Eur J Surg Oncol 2009;35(10):1092-7.

Figure 1. Survie sans progression (évérolimus versus placebo).
Figure 1. Survie sans progression (évérolimus versus placebo).

Figure 2. Survie sans progression (sunitinib versus placebo).
Figure 2. Survie sans progression (sunitinib versus placebo).

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Facteurs pronostiques de la thyroïdectomie précoce
Pr Françoise Borson-Chazot (Lyon)

Rohmer V, Vidal-Trecan G, Bourdelot A et al.; for the Groupe Français des Tumeurs Endocrines. Prognostic factors of disease-free survival after thyroidectomy in 170 young patients with a RET germline mutation: a multicenter study of the Groupe Francais d'Etude des Tumeurs Endocrines. J Clin Endocrinol Metab 2011;96(3): E509-E518.

Le cancer médullaire de la thyroïde représente environ 5 % des cancers thyroïdiens. Il a la particularité d'être familial dans 30 à 35 % des cas. Dans ces formes avec mutation germinale du proto-oncogène RET, un dépistage génétique réalisé dans l'enfance permet d'identifier les apparentés à risque et de proposer une chirurgie dite prophylactique.
L'existence d'une étroite relation entre la précocité du cancer, son agressivité et le génotype est à l'origine des recommandations établies en 2001, fondées sur le génotype et l'âge (1). Les études ultérieures ont montré les limites de cette approche systématique qui ne prend pas en compte les variations individuelles et familiales et qui est souvent difficile à appliquer. Les guidelines de l'American Thyroid Association publiées en 2009 ont proposé une adaptation de la classification (4 classes d'agressivité croissante de A à D) et des recommandations initiales en faisant intervenir également, dans la décision thérapeutique, des paramètres individuels tels que la valeur de calcitonine (2). L'un des apports importants a été de substituer au concept de chirurgie prophylactique (intervenir avant le cancer) le concept plus pragmatique de chirurgie précoce (intervenir au stade où la chirurgie guérit, c'est-à-dire avant qu'il n'existe un envahissement ganglionnaire). Cependant, les propositions se sont plus appuyées sur ce que l'on connaît des relations âge-stade au diagnostic que sur des données fiables d'évolution à long terme qui auraient permis de s'assurer que les stratégies proposées, en termes d'âge à la chirurgie et d'étendue du geste, sont bien à même d'obtenir la meilleure survie possible au prix d'une morbidité minimale.
L'étude rétrospective multicentrique du GTE, publiée récemment par V. Rohmer et al., apporte des informations nouvelles. Elle a inclus 170 patients âgés de moins de 21 ans à la chirurgie, soit la plus grosse série publiée à ce jour. L'évolution a été globalement très favorable avec 87 % de guérison et seulement 2 décès dus au cancer médullaire, alors que les recommandations de 2001 (1) n'ont été appliquées que dans la moitié des cas. La survie sans progression a été mise en relation, de manière indépendante, à la taille du cancer (> 10 mm) et à la présence d'un envahissement ganglionnaire. Aucun patient dont la calcitoninémie préopératoire était inférieure à 31 ng/ml n'avait d'envahissement ganglionnaire et n'a présenté de maladie persistante ou récidivante. Le génotype D (mutation au codon 918), une calcitonine de base supérieure à 30 ng/l et un âge supérieur à 10 ans ont été associés au risque de cancer supra-centimétrique tandis que le génotype D et un âge inférieur à 10 ans étaient associés au statut ganglionnaire. Ces résultats montrent que le pronostic du cancer est étroitement dépendant du stade au diagnostic et que, pour guérir le patient, il faut opérer au stade d'hyperplasie des cellules C ou de microcancer sans envahissement ganglionnaire.
Le stade n'est, par définition, connu qu'après la chirurgie, et d'autres marqueurs sont nécessaires pour définir le moment le plus approprié pour la réaliser. Dans ce travail, la calcitonine préopératoire, bon reflet du stade du cancer, constitue un meilleur prédicteur de l'évolution que l'âge ou le génotype. Elle permet de disposer d'une méthode simple pour fixer le temps chirurgical. Aucune atteinte ganglionnaire n'est observée pour des valeurs de calcitonine inférieures à 31 ng/l et, en prenant par sécurité un seuil de 10 ng/l, on devrait pouvoir raisonnablement s'abstenir de curage. Le seuil pourrait même être plus élevé dans les génotypes A et B, associés à des cancers moins agressifs. Le seul génotype qui intervient comme facteur de risque est le génotype D pour lequel une chirurgie très précoce, avant l'âge de 1 an, reste donc recommandée. Dans les autres cas, le génotype permet de définir l'âge du screening et du début de la surveillance, classiquement fixé entre 1 et 5 ans pour le génotype C et à 5 ans pour les génotypes B et A. Ce travail permet donc d'envisager une simplification et une meilleure adaptation, selon le niveau réel de risque, de la prise en charge des enfants porteurs de mutation de RET. Nul doute qu'il contribuera de manière significative à l'actualisation des recommandations sur la néoplasie endocrinienne multiple de type 2 que préparent le GTE et le RENATEN.

Références bibliographiques
1. Brandi ML, Gagel RF, Angeli A et al. Guidelines for diagnosis and therapy of MEN type 1 and type 2. J Clin Endocrinol Metab 2001; 86(12):5658-71.
2. American Thyroid Association Guidelines Task Force, Kloos RT, Eng C et al. Medullary thyroid cancer: management guidelines of the American Thyroid Association. Thyroid 2009;19(6):565-612.

Mise au point sur...

Principales caractéristiques des 5 160 patients inclus dans le fichier du GTE
Pr Françoise Borson-Chazot (Lyon), Pr Emmanuel Mitry (Saint-Cloud)

Le GTE a mis en place, en 2005, un fichier national des tumeurs endocrines dans l'objectif de faciliter la réalisation d'études collaboratives multicentriques. Cette base de données informatique nationale, soutenue financièrement par les laboratoires IPSEN et NOVARTIS, regroupe maintenant 5 160 cas, dont 70 % diagnostiqués après 2000. Tous les patients présentant une tumeur endocrine prouvée histologiquement sont éligibles, quel que soit son site.
Les données globales, présentées récemment au congrès de l'ENETS, donnent une bonne idée du recrutement des patients dans les principaux centres français. L'âge médian au diagnostic est de 50,2 ans. La répartition en fonction du sexe est équilibrée (54 % de femmes, 46 % d'hommes) avec des disparités en fonction des sites tumoraux (tableau). Les tumeurs gastro-entéropancréatiques (GEP) représentent 41 % des cas. La localisation la plus fréquente est ensuite le cancer médullaire avec 1 080 cas (21 %).

Tableau. Distribution des tumeurs endocrines suivant le sexe pour les principaux sites.

  Nb de cas % H (%) F (%)
Pancréas 1 030 20 49 51
Jéjunum-iléon 564 11 53 47
GEP d’autres sites 511 10 46 54
Carcinome médullaire thyroïdien 1080 21 45 55
Parathyroïde 428 8 26 74
Phéochromocytome/paragangliome 296 5,8 49 51
Poumon 244 4,7 49 51
Thymus 19 0,4 84 16

La tumeur est découverte au stade métastatique dans 30 % des cas : 61 % des tumeurs pancréatiques, 43 % des tumeurs de l'iléon, 10 % des cancers médullaires, 6 % des phéochromocytomes/paragangliomes et 35 % des tumeurs pulmonaires et du thymus.
Les tumeurs GEP appartiennent au groupe des tumeurs bien différenciées dans 75 à 80 % des cas.
La proportion de patients en rémission varie de 10 à 40 % suivant le site ; 53 % des cancers médullaires et phéochromocytomes/paragangliomes et 72 % des tumeurs GEP sont en maladie persistante. Cette forte proportion, quel que soit le site, est à rapprocher d'un recrutement principalement hospitalier par des centres experts.

L'actualité commentée

Nous vous proposons de découvrir le programme du prochain Symposium international sur les phéochromocytomes et paragangliomes qui aura lieu du 14 au 17 septembre 2011 à Paris. Comme vous le verrez, ce programme est attractif et nous espérons que vous serez nombreux à y participer.

Programme
Pour en savoir plus : http://sfendocrino.com/evenement/20

Par ailleurs, le programme définitif ainsi que le bulletin d'inscription du Congrès National des Tumeurs Neuroendocrines, qui aura lieu à Paris les 1 et 2 décembre 2011, sont désormais en ligne :
http://sfendocrino.com/evenement/71

Très cordialement,
Prs Françoise Borson-Chazot et Emmanuel Mitry

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